Renouer avec la Renouée du Japon ?

Une plante de mauvaise réputation

Les jardiniers qui liront cet article risquent fort de crier au fou car cette plante, considérée comme une espèce exotique invasive, fait l’objet d’une bien mauvaise réputation et pour cause, elle prolifère de façon vertigineuse.  Les titres des articles la concernant sont d’ailleurs sans équivoques, abordant tous les méthodes et conseils plus ou moins réalistes pour s’en débarrasser … jusqu’à employer le terme de « peste végétale » ! Et pourtant !

Cette mal aimée possèdent des qualités qui méritent, sinon sa totale réhabilitation, du moins de s’y intéresser et sans doute de reconsidérer et de nuancer son point de vue. Reynoutria japonica ou Fallopia japonica fut introduite initialement pour son intérêt ornemental, fourragère et mellifère. Mais très vite, elle révèle son incomparable capacité à coloniser les espaces – le mot est faible . On l’accuse alors de nuire à la biodiversité et elle devient le fléau du jardinier et du paysagiste. 

Plan de renouée du Japon présent dans l'un de nos bassins.
Plan de renouée du Japon présent dans l’un de nos bassins.

Présente dans les jardins du muséum national d’histoire naturelle, elle y représente sa famille : les polygonaceae. Prouvant ici au passage qu’elle peut être maîtrisée, au prix, il est vrai, d’une attention constante. Rendez-vous compte, ses racines de type rhizomique peuvent s’enfoncer jusqu’à 3 mètres de profondeur et 8 mètres de longueur. En outre, un seul fragment de ce rhizome suffit à exporter la plante qui peut croître de plusieurs centimètres par jour !  D’où son extrême facilité à se multiplier et la difficulté de s’en débarrasser. 

Si ses défauts sont bien connus et redoutés à juste titre, que dire de ses qualités ?

 

Une plante qui soigne ?

Le Resvératrol, l’une des substances active de la Renouée que l’on trouve en grande quantité dans les rhizomes permet à la plante de se défendre contre des agressions d’insectes ou de champignons. Cela en fait une plante utilisée de longue date dans la pharmacopée traditionnelle chinoise. Ses propriétés anti inflammatoire, anti oxydante, cardio protectrice méritent sans doute à elles seules un intérêt pharmacologique qui ne sera pas l’objet de cet article.

 

Une plante qui se cuisine ?

Sans doute … et vous trouverez de nombreuses recettes sur Internet ! Attention toutefois car cette plante aux propriétés gustatives voisines de la rhubarbe pousse possiblement en sol pollué et sa capacité à absorber les métaux lourds comme le cadmium ne semble pas recommandée en toute circonstance … sauf à la prélever dans un sol sain, ce qui dans la nature est loin d’être toujours le cas.

Renouée du Japon

Une plante qui renseigne et soigne les sols : une plante métallophyte !

La Renouée du Japon accumule les métaux lourds lorsqu’ils sont présents en concentrations importantes dans les sols et plus particulièrement le Cd et le Zn. À l’état naturel, il s’agit d’une plante couvrant les pentes d’anciens volcans riches en substrat métalliques à des taux hostiles aux autres familles de végétaux. Elle est donc une plante bio indicatrice témoignant d’une probable pollution des sols qu’elle contribue à dépolluer : il s’agit de la phytoremédiation. Il existe plus de 500 plantes métalophytes et leurs propriétés nous intéressent pour contribuer à la gestion des pollutions lorsque la concentration en métaux lourds devient problématique (en effet, les métaux lourds en quantité modéré dans les sols ne présentent pas de danger bien au contraire). 


La phytoremédiation, c’est quoi ?

La phytoremédiation est une technique de dépollution des sols qui utilise les plantes et les arbres pour extraire ou transformer les polluants organiques et inorganiques (plus particulièrement les métaux lourds et les pesticides). Pour extraire ces substances toxiques, la phytoremédiation offre aujourd’hui une réelle alternative, aux techniques de dépollution traditionnelles plus coûteuses.

La phytoremediation peut s’exercer de différentes manières

La renouée du Japon et de nombreuses autres plantes sont hyperaccumulatrices, capables de piéger dans leurs feuilles ou leurs racines des quantités intéressantes d’éléments métalliques, atteignant 7 à 8 % de leur masse sèche. L’efficacité est corrélée à la production de la masse végétale et donc relativement modeste. 

Renouée du Japon

La phytostabilisation et la phytoextraction

Les plantes hyperaccumulatrices contribuent à nettoyer les sols pollués par les métaux. Leurs racines extraient les polluants des sols pour ensuite les stocker dans les tiges et les feuilles. Cela permet de stabiliser les éléments polluants, d’éviter leur diffusion lors des ruissellements, d’éviter ou limiter le risque de pollution plus profondes. Mais il faut ensuite faucher ces plantes pour extraire les polluants du milieu.  Lorsque cette phytoextraction s’effectue en milieu liquide, on parle alors de rhizofiltration.

La phytodégradation

Certaines plantes contiennent dans leurs racines des enzymes et des micro-organismes capables de dégrader les composés organiques polluants. Ceux-ci sont directement dégradés dans les tissus de la plante. Le saule pleureur par exemple a tendance à accélérer la dégradation des composés organiques et des pesticides. De plus, la concentration des contaminants étant atténuée in situ, il n’est pas nécessaire de récolter les plantes.

La phytovolatisation

Les métaux sont convertis en composés volatils non toxiques et relâchés dans l’atmosphère. 

Renouée du Japon illustration

Les avantages de la phytoremédiation :

  • Le coût est de 10 à 100 fois inférieur aux technologies classiques.
  • Le traitement s’effectue in situ.
  • La technique est plutôt adaptée à une pollution faible sur une grande surface.
  • L’érosion du sol pollué est prévenue sans affecter sa fertilité.
  • La pollution en attente est maintenue sur place en attente d’un traitement définitif.  

 

Les limites de la phytoremédiation :

  • Le temps de traitement est très long (minimum 3 ans pour des premiers résultats).
  • Une étude au cas par cas est nécessaire : choix des espèces, traitement du sol, etc.
  • L’efficacité reste variable en fonction des saisons.
  • En cas de pollution aiguë ou multiple, cette solution est peu applicable.
  • Selon les plantes et les polluants à traiter, une gestion et une élimination contrôlée (fauche) est nécessaire. Toutefois, il est plus facile de gérer des kg de plantes plutôt que des tonnes de terres !
Présence de renouée du Japon sur un bassin de retenue
Présence de renouée du Japon sur un bassin de retenue

Conclusion

La Renouée du Japon est donc intéressante car elle produit d’importante quantité de masse végétale garantissant une phytoextraction maximale. De plus, ses racines (rhizomes) sont extensives et profondes, permettant un important maillage et renforçant ses capacités de phytostabilisation. Aussi, elle affectionne les milieux humides et les berges, la plante est donc intéressante pour les milieux aquatiques qui nous intéressent. 

La pollution grandissante de nos sols, conséquence des activités humaines, nous oblige aujourd’hui à trouver des solutions durables et économiques. Le règne végétal abrite une source inépuisable de solutions ! La phytoremédiation pourrait être une solution complémentaire adjuvante pour reconquérir notre environnement.

Pour rester amis avec nos lecteurs, je ne recommande pas de planter la renouée du Japon dans votre jardin si vous voulez conserver une diversité ornementale sans trop d’effort, ni vous fâcher avec vos voisins … Essayez plutôt la renouée des oiseaux, autre polygonaceae (polygonum aviculare), souvent considérée comme une mauvaise herbe mais tellement moins envahissante !  Elle possède également des propriétés diurétiques naturelles avérées.

Apprenons à connaître la Renouée du Japon et à utiliser ses formidables facultés ! Ainsi, notre Syndicat suivra particulièrement son rôle de phytoremediation et nous entendons, avec les équipes spécialisées, poursuivre l’évaluation de ses capacités à améliorer la qualité de l’eau.

 

Jean-Pierre Enjalbert, Président du SIARE